Depuis le lancement du premier transistor en silicium par Texas Instrument en 1954, les semi-conducteurs occupent une place centrale dans le paysage technologique mondial.
Semi-conducteurs : Où se déroulent les nouveaux champs de bataille de cette compétition mondiale ?
Tobias Wölk, Product Manager chez reichelt elektronik partage son analyse sur le sujet.
Avec l’avènement de l’intelligence artificielle et des ordinateurs quantiques, le développement technologique de ces composants s’est accéléré à vitesse grand V. Peu connu du grand public avec le Covid, les semi-conducteurs sont au cœur d’une compétition sans précédent avec des enjeux sur leur production géostratégique.
La nouvelle géopolitique des semi-conducteurs
L’essor sans précédent de l’IA a entraîné une explosion du marché des semi-conducteurs. Ces composants sont essentiels pour les supercalculateurs modernes qui alimentent les grands modèles de langage tels que GPT. En 2024, il devrait progresser de 17 % cette année, atteignant un revenu de 624 milliards de dollars, selon le cabinet Gartner. Une croissance qui est en très bonne voie. Pour un autre cabinet, McKinsey, le marché devrait quasiment doubler d’ici à 2030 pour franchir la barre de 1 000 milliards de dollars. Cependant, la production actuelle de semi-conducteurs est insuffisante pour répondre à la demande croissante du marché.
Avec un marché actuellement dominé par un petit nombre de fondeurs qui contrôlent la production mondiale, les enjeux géostratégiques des semi-conducteurs reflètent fidèlement la compétition mondiale menée entre les différentes nations. Qu’il s’agisse de la compétition sino-américaine, de la souveraineté technologique européenne, ou du monopole taïwanais, la compétition internationale est plus vive que jamais.
Depuis le début des années 2000, Taïwan occupe une place prépondérante sur le marché des semi-conducteurs, assurant près de 60 % de la production mondiale de ces composants. Pour les produits les plus sophistiqués, cette proportion atteint même 90 %. Toutefois, trois blocs majeurs — les États-Unis, l’Europe et la Chine — cherchent à dominer ce marché et en subventionnent leur économie afin de gagner le leadership.
Aux États-Unis, le Chips Act, signé en août 2022 et doté de 52 milliards de dollars, entend encourager le retour des usines sur son territoire. L’objectif est d’augmenter leur part de marché de 10 % à 30 % d’ici 2030. Certaines entreprises US ont clairement émergé dans ce domaine comme Nvidia, devenu très rapidement le leader incontesté dans le domaine des puces pour entraîner et exécuter les modèles d’intelligence artificielle. Même si elle connait une perte boursière depuis cet été, son ascension est telle que l’entreprise a surpassé la valeur de toutes les entreprises du CAC 40 réunies et a récemment rejoint le club des entreprises valorisées à plus de 3 000 milliards de dollars en bourse, aux côtés d’Apple et Microsoft.
La domination de Nvidia sur le marché des puces IA, avec 95 % de part de marché, a été un moteur clé de cette croissance. Bientôt, elle livrera une puce « Blackwell », capable d’effectuer de 10 à 20 millions de milliards de calculs par seconde sur la taille d’une carte postale. Selon son PDG Jensen Huang, elle sera « la puce la plus puissante au monde pour l’IA ».
Sam Altman, le dirigeant de la célèbre entreprise OpenAI, a également affiché ses ambitions pour les semi-conducteurs avec un projet visant à lever sept mille milliards de dollars pour restructurer l’industrie mondiale de ces équipements avancés. Son objectif est de construire plusieurs dizaines d’usines de fabrication de puces dans les prochaines années. Malgré les critiques sur la faisabilité de ce mégaprojet, un point reste indiscutable : un programme d’une telle envergure ne pourra se concrétiser sans l’approbation des États-Unis.
Malgré les sanctions, la Chine en bonne place dans la course mondiale
La Chine, affectée par la politique mise en place par le parti républicain pour freiner ses progrès technologiques, est contrainte de participer à cette compétition dans un contexte de guerre économique.
En effet, face aux restrictions d’exportation technologiques imposées par les États-Unis, la deuxième économie mondiale se prépare à atteindre l’autosuffisance. Lors du dernier salon Semicon à Shanghai, les déclarations des industriels chinois étaient sans équivoque. « Plus les États-Unis nous imposent des restrictions, plus vite certaines de nos entreprises nationales vont se développer », a déclaré M. Wang, un professionnel du secteur.
Bien que la Chine soit technologiquement en retard par rapport aux leaders du secteur, elle peut rattraper ce retard en investissant de manière appropriée. Selon Bloomberg, la Chine est en train de lever plus de 27 milliards de dollars pour un fonds dédié à l’industrie des puces. Cependant, malgré sa détermination à atteindre ce niveau, le secteur des semi-conducteurs chinois doit toujours faire face à de nombreux obstacles.
Les fonds européens investissent massivement dans de nouvelles startups
En Europe, les développements sont également rapides. En février 2022, l’UE a introduit l’European Chips Act, qui mobilise 43 milliards d’euros, dans l’espoir d’atteindre une part de marché de 20 %. Après tout, neuf entreprises industrielles sur dix en Europe dépendent des semi-conducteurs, et 80 % les considèrent comme indispensables.
Bien que des leaders européens comme le néerlandais ASML soient parmi les leaders internationaux dans l’industrie des semi-conducteurs, l’UE adopte une stratégie industrielle forte pour rester compétitive dans cette compétition mondiale. L’Union s’organise et de nouvelles entreprises émergent sur le marché. L’une d’entre elles est Scalinx. Financée par l’État français via son fonds French Tech Souveraineté, ainsi que Go Capital et Thalès, Scalinx fait partie du programme French Tech 2030, tout comme deux autres start-ups nationales — Kalray, qui développe des processeurs dédiés au traitement de flux massifs de données, et SiPearl, qui produit des microprocesseurs basse consommation dédiés au calcul haute performance
Si le Chips Act européen facilite l’accompagnement de cette filière technologique, les start-ups ont besoin de financements. Les investisseurs européens s’impliquent dès lors pour que la souveraineté technologique de l’Europe soit garantie. En 2023, NXP et Infineon se sont associés à trois anciens dirigeants de Soitec et à Ardian pour créer un fonds dédié à la filière des semi-conducteurs, doté de plus d’un milliard d’euros.
Chaque nouvelle révolution industrielle engendre une compétition entre les nations pour la domination du marché. Bien que les États-Unis aient clairement remporté la bataille du web et du cloud, leur suprématie sur le marché des semi-conducteurs n’est pas garantie. En effet, le leadership sur ces technologies n’est pas uniquement américain, de nombreux acteurs asiatiques occupent une position dominante. De plus, l’Europe et la Chine se préparent chacune pour ne pas manquer cette nouvelle ère industrielle.
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