Comment l’IA est exploitée par les organismes ? Pourquoi certains responsables financiers sont sceptiques concernant son adoption ? Quels sont les atouts apportés par cette technologie ? L’IA remplacera-t-telle un jour l’humain ? Décryptage avec Sridhar Iyengar, Managing Director Europe chez Zoho qui a accepté de répondre à quelques questions.
L’Intelligence Artificielle dans le secteur financier
L’IA n’épargne aucun secteur et se retrouve au cœur de l’activité économique, y compris dans le secteur financier. Pouvez-vous expliquer quels en sont les usages au sein des institutions financières ?
Les applications de l’IA sont nombreuses. Elle permet notamment la standardisation et l’automatisation des tâches les plus chronophages. L’IA accélère en effet les différentes vérifications croisées, dans le cadre d’un emprunt par exemple, parce qu’elle peut analyser automatiquement de multiples documents et de vastes ensembles de données. Elle identifie des schémas dans l’ensemble des données pour confirmer la validité de la demande. Cela fait gagner beaucoup de temps aux services bancaires et financiers qui peuvent utiliser cette analyse alimentée par l’IA pour valider plus rapidement une demande de prêt par exemple. Elle offre également la possibilité d’identifier des schémas d’activité frauduleuse et signaler les transactions suspectes en vue d’une enquête plus approfondie.
En outre, l’IA permet de simplifier l’analyse de l’activité. Une banque est une entreprise comme une autre. Elle a aussi des chiffres de revenus et des objectifs. Grâce à un système de gestion de la relation client basé sur l’IA, les agents peuvent suivre leurs performances tout au long de l’année et obtenir des mises à jour instantanées pour tout ce qui sort de l’ordinaire. La détection des anomalies est un élément clé de la technologie de l’IA, ce qui en fait un excellent complément à toute fonction professionnelle impliquant des rapports rigoureux et périodiques. Par exemple, si l’un des conseillers commerciaux n’atteint pas ses objectifs trimestriels ou mensuels, le système peut l’en avertir, ainsi que son responsable, et lui faire des suggestions pour le remettre sur la bonne voie.
Malgré ses atouts, de nombreux responsables financiers restent sceptiques quant à l’IA. Comment l’expliquez-vous ?
L’IA a été saluée comme un facteur de changement susceptible de révolutionner la manière dont les équipes comptables et financières abordent leur travail et leurs responsabilités professionnelles. Parfois, ce potentiel s’est transformé en mode – cette idée qu’un jour l’IA fera abstraction de toutes les fonctions manuelles quotidiennes du back-office, et que des systèmes entiers pourront être autogérés avec une précision adaptative et empirique.
Cela semble magique, mais la vérité ressemble plus à un souhait qu’à une promesse. La prise de décision totalement autonome est encore loin et, malgré l’amélioration de l’accès au logiciel, l’adoption – la véritable mesure du succès – reste mitigée. Certaines entreprises ne peuvent pas, ou ne veulent pas, mettre en œuvre, maximiser et développer la technologie de l’IA. Peut-être manquent-elles de soutien informatique et de financement, même si les cas d’utilisation qu’elles résolvent sont généralement moins complexes.
Avec sa puissance et sa croissance exponentielle, peut-on imaginer que l’IA remplace un jour l’humain dans son travail ?
Non, je ne pense pas. Non seulement elle ne peut pas remplacer entièrement les employés humains, mais elle ne devrait pas le faire. Pourtant, une grande partie de l’excitation et de l’appréhension autour de l’IA suppose que c’est exactement ce qu’elle fera. C’est aux équipes financières qu’il incombe d’intégrer les services d’IA dans les parties de l’entreprise qui manquent de ressources. Oui, la technologie a été exagérément présentée comme une panacée pour le back-office, mais les sceptiques ne devraient pas laisser le battage médiatique les dissuader des avantages pratiques en termes de productivité et d’efficacité de l’automatisation et des fonctionnalités de l’IA dans la finance.
Enfin, il faut garder à l’esprit que les humains conçoivent l’IA pour faciliter leur travail, et non pour se rendre obsolètes. Avoir des systèmes alimentés par cette technologie est une excellente chose pour les entreprises, mais nous aurons toujours besoin d’êtres humains pour établir un lien émotionnel avec les clients. Les relations avec ces derniers sont essentiellement des relations humaines.
Le secteur bancaire et financier est soumis à des contraintes importantes en matière de conformité, mais aussi de pression concurrentielle. L’IA serait-elle finalement la solution miracle pour relever l’ensemble des défis auxquels les organismes doivent faire face ?
Je ne parlerais pas de solution miracle, mais plutôt d’une technologie incontournable dans la transformation digitale amorcée par le secteur, pour innover et donc se différencier de la concurrence, mais aussi dans une logique d’optimisation des coûts alors que nous sommes en période de crise économique. De plus, la digitalisation des organismes financiers a pour but de répondre aux attentes et aux besoins des clients qui ont fortement évolué au cours de ces trois dernières années, d’abord avec la pandémie, puis avec les différentes crises qui frappent aujourd’hui l’Europe, tant sur le plan économique, énergétique que géopolitique.
Bien que l’adoption de l’IA se heurte à certains obstacles, les avantages qu’elle procure aux organismes du secteur financier sont considérables. Ils peuvent en effet améliorer le service et l’expérience client, la gestion des risques et le développement de nouveaux modèles commerciaux, des enjeux essentiels sur lesquels repose la pérennité de leur l’activité. L’IA joue un rôle de plus en plus important, et les banques ainsi que les services financiers qui adoptent cette technologie auront ainsi plus de chances de réussir à long terme.
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