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Le pari de la FemTech : améliorer la santé des femmes

Tech - Par Sabine Terrey - Publié le 18 septembre 2023
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Pour une même maladie, une femme doit attendre 4 ans de plus qu’un homme en moyenne avant d’être diagnostiquée. Ce chiffre illustre les inégalités de sexe encore prégnantes dans le domaine de la santé. Le secteur émergent de la FemTech développe des technologies et solutions prometteuses pour réduire ce déséquilibre et améliorer le bien-être et la santé des femmes. Explications.

Le pari de la FemTech : améliorer la santé des femmes

Halima Laraki, Manager chez Altman Solon, partage son expertise et évoque le secteur de la FemTech.

Un déficit historique de données sur la santé des femmes

Le corps féminin a longtemps fait l’objet de stigmatisations et de tabous. Si certains sujets, tels que les menstruations, l’accouchement, le post-partum ou la ménopause, sont aujourd’hui davantage mis en lumière et étudiés, la recherche sur la santé des femmes souffre encore d’un déficit de financements.

Deux chiffres illustrent ce constat : cinq fois plus d’études ont été réalisées sur la dysfonction érectile (touchant 19 % des hommes) que sur le syndrome prémenstruel qui concerne 90 % des femmes. Les femmes ont également 50 % plus de risques de faire l’objet d’un mauvais diagnostic suite à une crise cardiaque que les hommes et présentent donc un taux de mortalité plus élevé.

Malgré des progrès récents, les sujets concernant la santé des femmes restent sous-représentés dans la littérature médicale. Le manque de données spécifiques entraîne plusieurs conséquences négatives, telles que :

  • Une méconnaissance des mécanismes de certaines affections touchant couramment les sujets féminins
  • Des retards et des erreurs de diagnostic et de prise en charge plus fréquents que chez les hommes
  • Une inadaptation de certaines prescriptions et traitements médicaux à la physiologie féminine, ainsi que des effets secondaires plus fréquents.

Le secteur émergent de la FemTech entend combler ce déséquilibre

Ida Tin, fondatrice de la start-up Clue, a été l’une des premières figures à populariser le terme de FemTech dès 2016. Ce secteur regroupe l’ensemble des technologies, produits et services innovants conçus pour améliorer la santé et le bien-être des femmes.

Les solutions de la FemTech couvrent chaque étape de la chaîne de valeur du secteur de la santé, des soins préventifs aux diagnostics, en passant par les traitements, l’accompagnement des patientes et le financement des soins. Ces solutions se divisent en 3 grandes familles de produits et de services destinées à adresser :

  • Les problèmes et questions de santé spécifiques aux femmes : santé pelvienne, endométriose, syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), oncologie gynécologique et mammaire, grossesse, post-partum, ménopause…
  • Les pathologies auxquelles sont plus exposées les femmes : ostéoporose, maladies auto-immunes, maladie d’Alzheimer…
  • Le bien-être général et la santé mentale des femmes.
Halima Laraki – Altman Solon

Le fort potentiel du marché des FemTechs

Aujourd’hui, le secteur des FemTechs reste fragmenté et majoritairement dominé par de petites structures en phase de consolidation. S’il ne représente qu’un petit segment du marché des HealthTech, sa valorisation a atteint 30 milliards de dollars en 2022 (environ 27,3 milliards d’euros) et sa croissance devrait être multipliée par cinq au cours des dix prochaines années. Le montant des financements est également en forte hausse, les investissements des sociétés de capital-risque ayant pour la première fois dépassé la barre du milliard de dollars en 2021.

Outre une prise de conscience globale sur l’importance d’agir pour la santé des femmes, notamment dans les pays émergents, plusieurs facteurs conjoncturels contribuent au succès exponentiel de ce secteur, tels que le meilleur accès aux soins des femmes vivant dans des zones isolées, l’essor de la télémédecine et la montée en puissance des technologies médicales numériques nées dans le sillage de la pandémie de COVID-19.

Depuis quelques années, les solutions et produits de la FemTech gagnent en popularité. Plusieurs d’entre elles sont déjà adoptées par le corps médical, à l’image de l’application de suivi des cycles menstruels Natural Cycles, premier outil numérique d’aide à la contraception approuvé par les régulateurs de l’Union européenne et des États-Unis. Autre exemple : la signature du partenariat entre l’entreprise Elvie, créatrice d’appareils de rééducation du périnée connectés, et le NHS (système de santé public britannique) pour fournir un accès gratuit à cette solution pour les femmes qui en ont besoin.

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La FemTech met le cap sur l’intelligence artificielle

 Pour réduire l’inégalité historique des sexes dans l’accès au soin et garantir l’efficacité de leurs solutions, l’un des principaux défis des entreprises de la FemTech est de combler le manque d’informations disponibles.

Ceci passe par la mise au point de solutions technologiques permettant la collecte de données spécifiques à grande échelle. Ces start-ups développent ainsi des algorithmes et des outils basés sur l’intelligence artificielle (IA) capables d’automatiser la collecte, la consolidation et l’analyse de données en temps réel.

L’application d’aide à la contraception Clue s’appuie par exemple sur des centaines de publications scientifiques et les données de santé menstruelle de ses plus de 11 millions d’utilisatrices pour affiner la précision de son modèle. De son côté, la startup israélienne MobileODT et son outil de dépistage du cancer du col de l’utérus basé sur l’IA, a déjà collecté plus d’un million d’images grâce à sa plateforme numérique, améliorant ainsi le dépistage et le diagnostic de cette maladie.

Plus globalement, l’intelligence artificielle permet aux entreprises de la FemTech de créer des solutions capables d’améliorer :

 

  • Le Diagnostic grâce aux techniques d’apprentissage automatiques de l’IA (Machine learning, Deep learning…) qui facilitent la collecte et l’analyse massive de données et permettent d’identifier des corrélations, des tendances et des anomalies pour accompagner les médecins dans l’élaboration des diagnostics. Ces techniques permettent par exemple à l’entreprise Matricis.AI d’aider les radiologues à mieux diagnostiquer l’endométriose, une maladie qui touche 10 % des femmes et dont les retards de diagnostic sont fréquents.
  • L’anticipation des risques grâce à la modélisation prédictive de données de santé collectées à partir de dispositifs portables et de systèmes de surveillance à distance. La start-up britannique Wild.ai est ainsi capable d’anticiper l’état physiologique d’une athlète et de lui donner des recommandations en matière de nutrition, d’entraînement et de récupération grâce à des données quotidiennes sur sa santé et sa condition physique.
  • L’accessibilité et l’assistance grâce à la disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 des chatbots et autres outils numériques.
  • La personnalisation de la prise en charge grâce à une meilleure connaissance des préférences des patientes permettant aux médecins d’adapter leur communication et leurs recommandations en fonction des caractéristiques individuelles, du contexte culturel ou du niveau de langue de la patiente.

 

Les défis à relever par les entreprises de la FemTech

Si l’IA permet de réduire le déficit de données spécifiques, d’accélérer les progrès de la recherche et de combler les lacunes en matière de santé féminine, elle dispose aussi de quelques faiblesses. Les algorithmes peuvent en effet comporter quelques biais renforçant – ou maintenant – l’exclusion de certaines minorités, comme l’ont illustré les exemples cas de ChatGPT, Stabel Diffusion et MidJourney. Entraîner les modèles pour les rendre plus responsables est indispensable pour assurer leur inclusivité totale.

L’autre enjeu est de mettre l’accent sur les questions de consentement. Expliquer pourquoi et comment les données seront (ou ne seront pas) exploitées est essentiel pour garantir la confiance des utilisatrices à long terme.

Le dernier défi est celui du financement. Les investissements ne représentent aujourd’hui que 7 à 8 millions de dollars par opération en moyenne contre 20 à 100 millions de dollars pour le reste du secteur de la santé. Si la FemTech dispose d’un avenir prometteur, elle doit encore convaincre les fonds d’investissement de son potentiel pour consolider sa montée en puissance. L’aventure ne fait que commencer…

 

Tech - Par Sabine Terrey - Publié le 18 septembre 2023