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Le numérique responsable

Enjeux IT - Par Didier Danse - Publié le 17 mai 2023
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Avec des chiffres en constante augmentation (+9% en moyenne par an), une émission des gaz à effet de serre d’ores et déjà plus élevée que l’aviation civile et représentant 5% du total des émissions mondiales, l’aspect écologique du numérique est devenu l’affaire de tous.

Le numérique responsable

A ces émissions de gaz s’ajoute l’utilisation de ressources naturelles dont l’extraction augmente l’impact tant en termes énergétiques, écologiques mais aussi sociaux. Pourtant censé faciliter les actions de chacun, le numérique a également renforcé les écarts sociaux pour les personnes déjà en proie à des difficultés.

Le numérique est un vecteur de transformation pour des générations futures et bien qu’il n’y ait actuellement aucune contrainte légale – notamment dû au fait que la mesure de la situation initiale et du progrès est compliquée – la réappropriation du numérique est en marche et tous les acteurs ont leur rôle dans cette démarche, quel que soit leur positionnement sur la chaine de valeur.

Les entreprises disposent désormais d’une « licence sociale » bien plus puissante que l’ensemble des licences administratives puisque les consommateurs peuvent aisément se détourner des produits ou se rendre à la concurrence.

Qu’est-ce que le numérique responsable ?

Le numérique responsable est un terme que l’on entend régulièrement ces dernières années, notamment depuis l’apparition du Cloud grand public et l’augmentation de la visibilité d’acteurs du marché tels que Netflix ou Amazon. On retrouve pourtant les fondements du numérique responsable dans les textes initiaux sur le développement durable.

Par le fait qu’on ne parlait du durable que pour les activités dans la forêt Amazonienne, le durable a souvent été confondu avec l’unique écologie malgré son aspect bien plus large. Pourtant, le durable visait déjà à atteindre la rentabilité financière tout en favorisant la réduction des inégalités sociales et de la pression sur l’environnement. Ainsi le durable cherche à réduire l’impact, au sens le plus large, de l’exploitation. Par la suite, la notion de durable s’est vue étendue pour devenir la responsabilité sociale – ou sociétale – des entreprises qui en est son extension au sein de l’entreprise.

Aujourd’hui, on tend non plus à minimiser l’impact négatif mais à proposer un impact positif en tenant compte des risques écologiques, économiques, humains, sociétaux, politiques et individuels tout autant que les opportunités que le numérique amène. C’est ainsi que l’on parle de numérique responsable qui représente « l’ensemble des technologies de l’information et de la communication (TIC) dont l’empreinte économique, écologique, sociale et sociétale a été volontairement réduite (sobriété numérique) et/ou qui aident l’humanité à atteindre les objectifs du développement durable » et qui s’applique sur toute la chaine de valeur.

On y trouve 3 grandes catégories d’activités ayant des finalités différentes et complémentaires :

  1. Respecter l’environnement en proposant un usage raisonné des TIC, que l’on nomme généralement Green IT.
  2. Faciliter l’optimisation des opérations via des outils numériques, notamment les outils de mesure permettant de mieux comprendre comment fonctionnent certaines activités.
  3. Créer des opportunités grâce au numérique. C’est ainsi que l’on parle souvent de IT for Green lorsque l’on se penche principalement sur les aspects écologiques mais cette catégorie d’activités numériques permet d’aller plus loin et de faciliter la transition écologique et circulaire au travers d’applications mobiles, éclairage intelligent, ou encore l’Internet of Things avec ses capteurs divers. Ces activités visent également l’amélioration des conditions de travail à toutes les étapes ou encore l’accès à l’ensemble des personnes, inclus les personnes en situation de handicap, ayant une éducation moindre ou encore n’ayant pas accès à la technologie pour des raisons telles que l’âge ou le niveau de richesse.

Il existe de nombreuses initiatives, menées par le public voire le privé comme le pacte vert pour l’Europe, ou encore le Green Deal à l’horizon 2030 mais aussi IT for Good et Fair IT, visant la neutralité carbone, la résilience et l’inclusivité y compris au sein même de l’entreprise.

L’aspect écologique

La consommation énergétique

La consommation d’énergie provient principalement du CPU, GPU et de la RAM. Evidemment, le temps de marche des appareils s’avère un multiplicateur important dans ce contexte. De même la multiplication du matériel utilisé, notamment due à la parallélisation, influe fortement sur l’énergie consommée. En plus des composants directement utilisés, de nombreux autres composants annexes tels que les écrans et le réseau, sont eux aussi source de consommation d’énergie. Au-delà de l’énergie utilisée directement, il est aussi nécessaire de tenir compte de l’énergie nécessaire pour compenser la création de chaleur par l’ensemble de ces composants.

Les facteurs à prendre en compte

L’efficacité des composants et leur taux d’utilisation sont évidemment primordiaux dans les discussions et dépendent de différents facteurs :

  • Le matériel utilisé, tant les ordinateurs que les autres appareils
  • La taille des données (volume et quantité)
  • La rétention de données
  • L’architecture du réseau et des services
  • Le type de tâche à accomplir

La mesure de la consommation

De nombreux éléments peuvent être mesurés : les gaz à effet de serre directement émis, ceux émis à cause de l’énergie ou encore les autres émissions indirectes – on parle des scopes 1 à 3 des émissions – mais aussi la consommation énergétique dont la mesure peut se faire en amont de l’utilisation des appareils et présentés au travers de grilles d’efficacité fournies par différents labels tels que l’afnor, NF environnement, TCO, Eco-Label, Energy Star, FSC, PEFC, PC Green Label et bien d’autres. Il est également possible de faire des estimations sur base de sa propre utilisation au travers d’outils, parfois en ligne, tels que ML CO2 Impact ou Green Algorithms. Certains vont encore plus loin en mesurant leur consommation en temps réel grâce à des trackers à intégrer dans les applications : Experiment impact tracker, carbon tracker, CodeCarbon.

En tenant compte des éléments ci-dessus, il est alors possible de définir des indicateurs tels que le Power Usage Effectiveness en lien avec l’efficacité énergétique du datacenter ou encore le WUE (Water Usage Effectiveness) et le CUE (Carbon Usage Effectiveness).

Le facteur humain

Bien que ce paragraphe soit assez court, l’humain, dans l’entreprise et dans la société, est un facteur important à prendre en compte dans une démarche responsable. L’humain, c’est à dire nous, doit être au centre des préoccupations afin de promouvoir la santé et le bien-être.

Être responsable démarre en permettant aux employés de travailler avec des technologies récentes, d’accéder aux formations auxquelles ils ont droit ou encore de respecter leurs conditions de travail.

Les finances

Malgré sa mauvaise image liée aux abus, le profit financier a du bon. C’est celui-ci qui permet de financer la recherche et le développement mais aussi la formation ou encore l’accompagnement des employés à diverses étapes de leur vie. C’est également sur cette base que des entreprises sont en mesure de proposer, de manière volontaire, des jours de congé supplémentaires. Enfin, l’impôt issu du profit sert quant à lui à financer les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement des transports, tant de personnes que des biens. Ce même impôt sert de plus à financer l’éducation des plus jeunes, les pensions et autres.

Payer ses impôts là où l’activité se passe est une manière concrète de financer les projets locaux et ainsi d’avoir un impact positif sur la société.

La technologie responsable

Les Blockchains

Les blockchains sont des technologies combinant du stockage et de la transmission d’informations afin de former des registres répliqués et distribués, sans organe central de contrôle et sécurisés grâce à la cryptographie, et structurées par des blocs liés les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers grâce un consensus partagé entre tous, rendant la falsification complexe.

Le consensus est le mécanisme permettant de valider qu’un nœud est fiable et il existe de nombreux protocoles de consensus. Ces protocoles sont la source principale de consommation d’énergie bien que la réplication au travers des réseaux pairs à pairs multiplie d‘autant les ressources nécessaires pour le stockage et le transfert des données et que le chiffrement des données a une part importante dans l’équation. Le niveau de difficulté pour l’encryption est un facteur déterminant dans la consommation d’énergie. Certaines blockchains publiques consomment 4 à 6 fois moins que le Bitcoin et d’autres blockchains sont très peu énergivores en comparaison avec les enjeux.

Le choix du protocole dépend ainsi du modèle de rémunération pour les participants. Bitcoin favorise la compétition et la création de nouveaux Bitcoins nécessitant un processus de minage important qui requiert la consommation électrique équivalente à la Belgique pour y parvenir. Les prévisions montrent également une augmentation inquiétante de 200 à 300%, tout cela sans compter la consommation liée à la construction des machines. De manière générale, les blockchains publiques nécessitent clairement bien plus de sécurité et requièrent un grand nombre de participants au réseau alors que les blockchains de consortium ou privées sont bien moins énergivores.

L’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle fait peur à certains et pourtant elle est partout : la reconnaissance vocale, les véhicules autonomes, l’aide à la rédaction et la lecture de textes afin de générer de la connaissance ou encore l’aide à la décision. L’intelligence artificielle a d’ailleurs fortement été utilisée durant la période Covid notamment pour simuler l’évolution de la pandémie mais aussi pour agréger l’ensemble de la littérature en quelque chose de digeste. Elle a aussi permis l’accélération de la préparation des vaccins.

L’intelligence artificielle repose principalement sur une approche statistique et pour cela, il est nécessaire de collecter de l’information. L’apprentissage, tel qu’on le nomme, requiert de l’acquisition permanente d’informations nécessitant une grande taille de données, en transit ou stockées, mais aussi des ressources matérielles importantes notamment dans le cas du Deep Learning.

Mais au-delà de l’aspect énergétique, la manière d’exploiter les technologies peut influer sur le développement humain. On distingue en général deux types d’IA : l’IA forte – souvent appelée générale (IAG) – et l’IA faible, c’est à dire avec un périmètre défini tel que la traduction automatique ou la lecture de plaques d’immatriculation.

L’IAG, qui ne sont jamais que des algorithmes, n’a ni émotion, conscience ou encore intention et peut ne pas tenir compte de facteurs importants dans les résultats générés. Par ailleurs, il est important de former et contrôler l’IA efficacement afin d’éviter des biais cognitifs, mais aussi des détournements des technologies – tels que le deep fake – et des utilisations par l’humain et qui vont contre d’autres humains.

Notons l’exemple de la Chine qui exploite la reconnaissance faciale et la collecte officielle et massive d’informations dans le but de mettre en place le crédit social, limitant fortement la liberté des personnes qui postent des articles contre le gouvernement notamment.

Internet of Things

L’Internet of Things, c’est cet ensemble de capteurs et d’appareils connectés ensemble pour interagir à des évènements donnés. C’est ainsi que la détection de l’augmentation de la température en temps réel permet d’effectuer des ajustements de différentes manières, selon le contexte, tant dans le privé que l’industriel.

Bien que les protocoles en place et les technologies permettent une réduction importante de la consommation énergétique, il n’en demeure pas moins que la multiplication des appareils peut avoir un impact important. L’architecture des services et l’utilisation du Edge computing, permettant de traiter de l’information au plus proche des appareils sans les envoyer dans le Cloud, diminue la quantité d’informations en transit.

Evidemment, les capteurs doivent être réglés pour ne se déclencher qu’en cas de besoin. Toujours dans le même contexte, il est important de s’assurer du bienfondé de l’utilisation des technologies afin qu’elles soient utiles à l’humain et non uniquement à l’aspect financier.

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Les premiers pas dans l’informatique responsable

Bien qu’il existe de nombreuses solutions, nous ne pouvons toutes les aborder dans un seul article. Voyons dès lors les plus directes.

Revoir l’utilisation

Le plus efficace est d’éviter la consommation de biens et services. Evidemment, cela est plus facile à dire qu’à faire. Mais de manière générale et dans la mesure du possible,

  • Privilégiez le Wi-Fi aux technologies 4G, 3x plus consommatrices du point de vue énergétique
  • Evitez la 5G pour des services qui ne requièrent pas d’être « en temps réel »
  • Lorsque cela est envisageable, téléchargez en amont au lieu d’exploiter le streaming, qu’il soit audio ou vidéo
  • Adaptez la qualité en adéquation avec l’usage. De nombreuses vidéos ne requièrent aucunement la HD, comme les vidéos YouTube dans le but d’écouter la musique
  • N’envoyez des courriels qu’à ceux qui en ont besoin, évitez les mails tels que « Merci » qui sont envoyés à de nombreuses personnes et ce avec l’historique de la conversation
  • Utilisez des appareils moins consommateurs (attention que le remplacement des anciens par des neufs est parfois plus « coûteux » que l’exploitation d’une technologie existante). Dans tous les cas, dès que possible, envisagez la mise en veille ou couper le courant automatiquement
  • Utilisez de l’énergie renouvelable (photovoltaïque « local »)
  • Mutualisez et louez
  • Utilisez des nouvelles approches de travail pour diminuer globalement l’impact
  • Rassemblez dans un endroit unique un certain nombre d’appareils ou externalisez la gestion de ces appareils, idéalement dans un centre de données efficace
  • Enfin, revoyez les approches de travail permettant la réduction du transport, l’utilisation de lumière non utile dans les bâtiments.

L’ensemble de ces actions permettent évidemment de réduire l’impact énergétique mais elles ont également des impacts positifs sur les personnes et les finances.

Adopter des cycles de vie et des architectures de solutions tenant compte de l’efficience

Pour pouvoir faire évoluer sa propre consommation énergétique mais aussi pour comprendre le milieu dans lequel un système fonctionne, il est important d’analyser et de comprendre son propre environnement, y compris le facteur humain.

Concrètement, le logiciel a un impact important du fait de son architecture et est bien souvent le moteur de l’obsolescence du matériel comme l’incompatibilité de Windows 11 avec de nombreuses machines. Pour autant que ces incompatibilités soient maitrisées et que l’architecture respecte les éléments fondateurs, la modernité des applications propose de nombreux avantages : la capacité d’utiliser plus efficacement les composants en fonction des besoins logiciels, qui peuvent varier dans le temps. Dans tous les cas, l’objectif sera d’augmenter le taux d’occupation et d’utilisation pour éviter les serveurs dormants, puisque l’énergie consommée lors de la production n’est jamais exploitée. A l’inverse, lorsque l’application requiert 100% d’utilisation, le serveur « à l’ancienne », mais dans un environnement maitrisé, est alors plus efficace.

Au niveau logiciel, l’architecture doit garantir de minimiser les transferts et le stockage d’information au strict minimum tandis que la qualité du code est primordiale pour réduire l’empreinte énergétique. De plus, le cycle de vie des services et des appareils doit permettre la réutilisation interne ou externe voire le recyclage des appareils.

Du point de vue de l’humain, l’utilisation d’architectures et de technologies modernes permet de maintenir ses concepteurs à jour, en phase avec un marché en permanente évolution.

Optimiser les finances

L’argent en transit doit être utilisé à bon escient. Ainsi payer pour des services ou des technologies non exploitées entièrement est source de réduction du bénéfice financier. Dans un précédent article, nous avons abordé comme axe d’optimisation la gestion de portefeuilles pour créer de la valeur, dont de la valeur financière. La réutilisation d’appareils déjà utilisés – provenant tant de l’interne que de l’externe – est également une manière de réduire les coûts. De la même manière, il existe des plateformes de revente de licences – c’est bel et bien légal – tels que SoftCorner.

Procéder à des achats responsables

L’entreprise commanditaire est partie prenante des agissements de ses fournisseurs et partage donc la responsabilité. La coresponsabilité client/fournisseur requiert de revoir les critères de sélection et y inclure la notion de durabilité. En plus des attentes par rapport aux fournisseurs, il s’agit de réduire la pression financière sur ceux-ci, cette pression pouvant en effet mener à une baisse de qualité, la perte de compétences rares ou encore simplement la faillite.

De plus, l’appel à des ressources partagées s’avère efficace économiquement et en termes d’efficacité. Il en va de même pour l’externalisation qui permet de réduire les risques techniques et environnementaux. La responsabilité étant partagée, il est important de s’assurer de l’impact des prestations externalisées pour l’entreprise mais aussi de la rentabilité des projets pour les différents acteurs.

Pour évaluer l’impact de l’externalisation, il peut être intéressant d’intégrer le personnel dans les décisions pour assurer la pérennité sociale et a minima refuser les pratiques non éthiques tout autant que de suivre l’exécution au travers d’indicateurs sur les aspects sociaux, économiques et environnementaux. De manière générale, il est bon d’inclure les risques fournisseurs dans la gestion des risques.

Enfin, il peut être utile de clarifier les indicateurs clés, transparents et lisibles afin d’évaluer les services numériques et vérifier leur adéquation avec les réels besoins tout en étudiant le bilan carbone de ces mêmes fournisseurs.

 

 

Article publié dans Smart DSI N°26

Enjeux IT - Par Didier Danse - Publié le 17 mai 2023