Longtemps, l’informatique décisionnelle, ou en anglais la « Business Intelligence », a été considérée comme un domaine de niche à destination des cabinets de consultance et leurs beaux graphiques.
Introduire l’informatique décisionnelle au sein de son organisation
Alors que le marché du décisionnel continue à évoluer quotidiennement en apportant des fonctionnalités de plus en plus avancées, il s’est également fortement démocratisé et promet des résultats rapides et aisés.
Pourtant, introduire des outils pour le décisionnel peut amener l’effet inverse de celui escompté et présenter des tableaux de bord et des rapports inadaptés au besoin, notamment à cause de données incorrectes mais aussi à des incompréhensions. Pire, ces systèmes peuvent entraîner des fuites de données jusqu’alors protégées.
Mettre en place de l’informatique décisionnelle efficace au sein d’une organisation requiert une préparation et un suivi adaptés aux besoins, la culture et la finalité de l’organisation. Comprendre l’objectif du décisionnel et surtout les données qui seront utilisées s’avère primordial dans un contexte où la donnée est davantage critique, tant pour la compétitivité de l’organisation, le respect des règlements en vigueur, mais aussi de la protection des données. De plus, choisir sa ou ses plateformes d’informatique décisionnelle requiert de comprendre l’écosystème existant, ce à quoi s’ajoutent de nombreux nouveaux critères techniques qui doivent être pris en compte lors du choix de la plateforme.
Tout le monde a déjà vu une plateforme de reporting, permettant la présentation d’informations dans un but de prendre des décisions dites informées. Il s’agit en effet de la partie visible et connue de l’informatique décisionnelle. Pourtant, le décisionnel rassemble bien d’autres composants applicatifs qui ont des fonctions bien différentes dont la capture, l’intégration mais aussi l’analyse et l’extrapolation sur base de ces données. Ces outils seuls facilitent l’accès et la consolidation des informations, toujours est-il qu’il soit nécessaire de mettre en place des pratiques adéquates afin de rendre ces données fiables et utiles. Ainsi, le décisionnel est l’ensemble des technologies et des pratiques nécessaires pour y parvenir.
Mettre en place un écosystème d’informatique décisionnelle adéquat permet de garantir une version unique de l’information mais aussi des définitions claires et constantes de celles-ci tout en garantissant un niveau de qualité des données élevé. Pour y arriver, il faut tout d’abord avoir une vision et une stratégie claires. Ainsi, il s’agit de comprendre les attentes explicites au travers d’enquêtes ou implicitement au travers des actions des clients et utilisateurs.
Définir une stratégie et la partager
Avant même d’envisager la mise en place d’une ou plusieurs plateformes décisionnelles, il est important de répondre à la question de la pertinence de l’introduction de celles-ci. Pour y parvenir, on s’assure d’avoir un référent : le sponsor. Idéalement, il s’agit d’une personne du métier qui dispose d’une vue complète sur la stratégie de l’organisation et qui peut également traduire la mission de celle-ci en indicateurs.
Souvent, la personne la plus à même de partager et porter cette vision au niveau du décisionnel est le Chief Financial Officer ou du Chief Marketing Officer. Cependant, dans un contexte où la donnée prend une place considérable, il est également envisageable de définir un Chief Data Officer dédié. Dans tous les cas, cette stratégie doit être documentée et revue annuellement. Elle doit expliquer l’approche – centralisée ou décentralisée – en fonction de la gouvernance des données. L’absence de clarté autour de la stratégie mènera à avoir plusieurs versions d’une même information, une logique métier peu claire, des coûts humains et techniques en augmentation ; le tout amené par un focus sur les outils au lieu de la donnée et de la qualité de celle-ci. Les conséquences peuvent être nombreuses, avec notamment des données inexploitables ou incorrectes menant à de mauvaises décisions.
Alors que le sponsor se focalise sur le qui va utiliser la donnée et le comment celle-ci est utilisée, mais aussi l’alignement avec la vision, et d’autres questions de ce type, il s’agit de s’assurer que les plateformes sont alignées en termes d’approche notamment pour ce qui est de l’architecture et du modèle de licences. Pour cela, une personne doit être référente pour chaque plateforme. Cette personne saura tout à son sujet et veillera à l’alignement avec la feuille de route globale. Le référent produit (ou product owner) veillera également à impliquer les autres parties-prenantes, telles que utilisateurs clés, et ce à chaque étape.
Enfin, en support au référent produit, les équipes informatiques sont en charge d’assurer la gouvernance, le transfert de connaissances et l’intégrité des données après avoir gérer l’implémentation de la plateforme ou des plateformes.
Comprendre les critères de choix d’une plate-forme décisionnelle
Les plateformes décisionnelles ne se différencient plus par leurs capacités de visualisation de données, qui sont désormais banalisées mais bien par des fonctionnalités plus ou moins faciles à utiliser et qui prennent en charge un flux de travail analytique complet, de la préparation des données à l’exploration visuelle et à la génération d’informations, en mettant l’accent sur l’utilisation en libre-service et l’assistance utilisateur.
Aujourd’hui, tous les fournisseurs peuvent créer des tableaux de bord interactifs avec des indicateurs de performance clés (KPIs) à l’aide de formes de graphiques courantes (barres/colonnes, lignes/zones, nuages de points, camemberts et cartes géographiques) et en s’appuyant sur un large éventail de sources de données mais la manière dont les plateformes prennent en charge l’analyse augmentée est fortement différente d’une plateforme à l’autre. L’analyse augmentée utilise l’apprentissage automatique (machine learning) et la préparation des données assistée par l’intelligence artificielle, la génération et l’interprétation des informations pour aider les organisations et les analystes de données à explorer et analyser les données plus efficacement qu’ils ne le pourraient manuellement.
Ainsi, les plateformes d’informatique décisionnelle peuvent être groupées selon deux types d’analyse, bien que certaines plateformes proposent les deux modes :
- Mode 1 – Prévisible : dans des zones maitrisées,
- Mode 2 – Exploratoire : résoudre de nouveaux problèmes.
Les plateformes supportant le Mode 1 peuvent être considérées comme un soutien aux organisations qui traitent des ensembles de données structurées et fixes. Le mode 2 permet aux fonctions support de résoudre – et de découvrir – des besoins et des informations émergents.
En allant un peu plus loin dans les fonctionnalités qui font la différence et parmi celles les plus connues, on pourra citer l’accès aux données, la visualisation avancée et l’interactivité des informations qui se doivent d’être extrêmement simples. Dans les systèmes modernes, la capacité de collaboration prend une place considérable dans la liste des critères de choix. La capacité d’être guidé par la plateforme elle-même pour identifier une nouvelle vue de l’information s’avère être un avantage considérable proposé par certaines plateformes.
En sus de ces fonctionnalités, d’autres critères, à caractère technique et opérationnel, doivent être pris en compte : le modèle de licence et les coûts associés ou encore leur capacité à être déployé et interagir avec le multi-cloud. Le Cloud ouvre de nouvelles possibilités, notamment par sa capacité à gérer un très grand nombre de données mais le fait d’avoir ces informations dans le Cloud nécessite une attention particulière. En effet, alors que le « on-premises » a l’avantage d’avoir l’information dans une zone protégée, une configuration hasardeuse des services Cloud ou des connexions aux sources de données pourrait rendre l’ensemble des données, parfois d’ores et déjà consolidées accessibles en un point unique.
Implémenter une plate-forme ou plusieurs ? quels sont les risques inhérents ?
Afin d’éviter de se rendre dépendant d’un fournisseur unique, certaines organisations choisissent une stratégie basée sur l’utilisation de plusieurs plateformes issues de fournisseurs bien distincts. Les avantages de fonctionner avec plusieurs fournisseurs sont ainsi nombreux : concurrence sur les prix, pas de dépendance avec un fournisseur unique, accès aux différentes technologies proposées par ces fournisseurs, atténuation des risques liés à un fournisseur unique et augmentation du niveau de support de la part des fournisseurs.
Mais la multiplication des plateformes amène des risques supplémentaires en termes de gestion des données, de perte de données et de profilage basé sur ces mêmes données. En outre, cela multiplie les compétences et les charges de travail nécessaires au quotidien. Ainsi, dans le contexte du décisionnel, il est nécessaire d’avoir une bonne gouvernance des données pour minimiser ce risque. En effet, les plateformes décisionnelles se connectent à des sources et affichent les données de ces sources alors que dans bien des domaines, les données sont stockées dans la plateforme elle-même. Par conséquent, se focaliser sur la gestion des plateformes en lieu et place aux sources de données conduira à l’augmentation de risques.
Pour que la stratégie soit cohérente, les informations exploitées par les plateformes dans le portefeuille applicatif doivent être clairement identifiées en y indiquant les critères d’utilisation de ces plateformes. Par ailleurs, les différentes sources d’information et le type de l’information ainsi que le niveau de confidentialité, et le public cible doivent également être énumérés. Pour chaque source, la notion de plateforme de préférence prend tout son sens étant donné la spécialisation de certaines plateformes. Une telle gouvernance permet de minimiser le risque d’exposer involontairement des données à des personnes non habilitées.
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Mettre en place un centre d’excellence pour la gouvernance des données
Pour revenir à la gouvernance des données, il s’agit de la spécification des droits de décision et un cadre de responsabilité pour assurer le comportement approprié dans l’évaluation, la création, la consommation et le contrôle des données et des analyses. Le domaine d’activités est large et le centre d’excellence Data Governance a pour objectif de promouvoir cette gouvernance et d’aider les gestionnaires de données et les différents utilisateurs à utiliser des données aseptisées et organisées par le biais de la gestion des données basée sur 5 principes : l’appropriation, la connaissance, la qualité, la sécurité et l’accès appropriés.
La gouvernance des données se veut globale, à l’inverse de la gestion des données qui est gérée au niveau de chaque plateforme. Lors de la création d’une stratégie de gouvernance des données, il est nécessaire d’intégrer et de définir des pratiques de gestion des données sous forme de politiques de gouvernance. Ces politiques de gouvernance des données explicites associées à des exemples d’application de ces pratiques orientent la manière dont les technologies et les solutions sont utilisées. Le Data Gouvernance Manager est en charge de la maintenance du modèle de gouvernance.
Pour minimiser les risques de Shadow IT et la perte de données en conséquence, un data steward s’assure que les politiques sont définies et que chaque propriétaire de la plateforme et, finalement, le propriétaire du contenu puissent les appliquer à leur niveau. Le data steward, en collaboration avec les gestionnaires de plateforme et les gestionnaires de données dont nous reparlerons plus tard, doit identifier et lister les sources de données dont nous avons parlé précédemment, mais aussi vérifier les autorisations d’accès à celles-ci, décrire la façon dont les données sont gérées dans les différentes sources et comme l’information est pertinente et à jour. En résumé, il s’assure de ce que les données appropriées sont accessibles de la manière appropriée.
Finalement, les gestionnaires de données se chargent, quant à eux, du cycle de vie de l’information et travaillent avec les gestionnaires des plateformes qui les exploitent. Ils sont également en charge de la feuille de route nécessaire pour la mise en place.
Enfin, pour faciliter la gestion au quotidien, le centre de compétences (à différencier du centre d’excellence qui n’entre pas dans les aspects pratiques) rassemble des personnes avec des compétences liées à la gestion des données pouvant alors aider l’ensemble des gestionnaires de données et les utilisateurs des plateformes.
En combinant l’action des différents intervenants, il s’agit d’éviter le chaos dans la gestion des données :
Définir un feuille de route
La définition d’une feuille de route est importante dans un contexte où bien des composants sont à prendre en compte, tant sur les données, les plateformes et tout ce qui est autour. Celle-ci se définit de manière classique, en partant des objectifs et des échéances clés mais aussi des processus clés qui seront supportés par le décisionnel. Etant plutôt classique à construire, il s’agit cependant de garder en tête les différents types de composants et de fonctions dans le contexte du décisionnel avec notamment la ou les sources de données, la qualité de ces mêmes données, la préparation des rapports eux- mêmes mais aussi le volume et la sécurité des données.
Encore faut-il au préalable identifier les parties prenantes, supprimer les barrières techniques, nombreuses dans le domaine, avant même de voir apparaitre la première donnée dans un rapport.
La feuille de route sera fortement différente en fonction du niveau de maturité de l’organisation : inconscient, opportuniste, normée, entreprise ou encore transformateur. Cette roadmap, comme tout autre feuille de roule, doit être présentée avec des rôles explicites et des livrables clairs à chaque étape et validée.
En résumé
La dissociation entre les sources de données et les plateformes qui utilisent ces données amène une situation où la définition de la stratégie s’avère plus que primordiale, le tout en suivant plusieurs étapes clés :
- Identifier un sponsor issu du métier ou encore un Chief Data Officer ;
- Choisir la ou les plateformes décisionnelles en tenant compte de l’écosystème actuel ;
- Identifier les parties prenantes et s’assurer qu’elles soient impliquées aux différentes étapes ;
- Former l’équipe qui supportera l’ensemble (le Centre d’Excellence, les gestionnaires applicatifs, éventuellement un architecte d’entreprise, les administrateurs systèmes ou encore le Data Steward) ;
- Définir le périmètre couvert par l’informatique décisionnelle et les règles de gouvernance ;
- Développer une feuille de route ;
- Préparer l’infrastructure et la structure de données nécessaires ;
- Revoir régulièrement l’adéquation entre les besoins et la stratégie mais aussi entre l’implémentation et cette même stratégie.
Le risque zéro n’existe pas mais l’ensemble de ces étapes réduit le risque d’une perte de données, volontaire ou non. La surveillance des permissions et du trafic d’informations est nécessaire afin d’identifier au plus tôt les divergences avec les attentes.