Beaucoup de questions, d’interrogations, de doutes entourent le sujet des robots. Retour sur cette épineuse problématique avec Juvenal Chokogoue, Consultant Insights & Data chez Capgemini France. Emplois, automatisation, robotisation, compétences de base et génériques… Éclairage.
Faut-il avoir peur des robots ?
La crainte selon laquelle les robots vont voler nos emplois est non-fondée, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Effectivement. Il y a, aujourd’hui, une croyance qui se répand de plus en plus, selon laquelle les robots vont détruire nos emplois et, par conséquent, créer du chômage. C’est une façon de voir les choses. Si on regarde à l’échelle micro-économique et sur le court terme, effectivement, il apparaît que les robots constituent une menace pour l’emploi. Par contre, si on adopte un point de vue macro-économique et on essaie de se projeter dans l’avenir (ce que je recommande, d’ailleurs), alors on se rend compte que la robotisation rend la société plus prospère. Illustrons cela, par un exemple très simple.
Supposons une île auto-suffisante habitée par 10 personnes qui vivent de la pêche d’un bateau collectif. Les 10 personnes pêchent chacune à l’aide d’une canne à pêche. Supposons maintenant qu’une innovation technologique majeure en matière de pêche fasse son apparition sur l’île : le filet de pêche. Dorénavant, à la place d’une canne, un large filet est utilisé. Grâce à ce filet, désormais 2 personnes suffisent pour pêcher autant de poissons que 8 cannes à pêche : une personne pilote le bateau et l’autre jette le filet.
En surface, il semble, effectivement, que le chômage ait augmenté de 0 à 80% avec l’arrivée du filet de pêche, puisque 8 personnes sur 10 sont maintenant sans emploi. Cependant, bien que ces 8 personnes soient au chômage, la société dans son ensemble est toujours aussi riche qu’avant, puisqu’elle reçoit toujours la même quantité de poissons que celle qui était pêchée par ces 8 personnes.
C’est exactement ce qui arrive chaque fois qu’un robot, une machine ou une innovation technologique majeur remplace ou automatise le travail d’un humain. Ainsi, la crainte est fondée. Par contre, avec une observation attentive, on se rend compte que malgré le chômage, à court terme, la société est toujours aussi riche parce qu’elle reçoit toujours le produit du travail de l’humain qui a été remplacé par le robot, et dans le long terme, elle sera plus riche lorsque celui-ci trouvera un nouveau travail.
Quel peut être l’impact de l’automatisation du travail, selon vous ?
Selon nous, l’automatisation du travail va être une très grande opportunité sociale : elle va permettre de libérer le temps des individus pour les consacrer à d’autres travaux, ce qui va accroître la quantité de richesse créée. Plus concrètement, l’automatisation du travail ne réduit pas le niveau de richesse créé comme on peut le penser à vue d’œil, puisque la société recevra toujours exactement la même quantité du produit du travail que celle des humains dont le travail a été remplacé.
C’est d’ailleurs ce qui pourra expliquer la relation paradoxale qui existera entre le PIB et le taux de chômage. Comme dans notre exemple de pêche plus haut, la quantité de poissons (Produit Intérieur) augmentera, tandis que le taux de chômage augmentera simultanément mais de manière temporaire.
Face à cette automatisation, quelles sont les solutions et les perspectives ? Quelles sont les clés pour s’en sortir ? Peut-être se spécialiser rapidement ?
Attention ! Il ne faut pas croire que la robotisation laissera la société dévastée par le chômage. Notre point est simplement d’attirer l’attention sur le fait que l’opportunité dans l’intelligence artificielle (qui est au cœur de la robotisation) ne se situe pas dans les algorithmes, les perceptions multi-couches, TensorFlow et autres, mais sur le potentiel de richesse et l’accroissement du niveau de vie qu’elle peut créer pour les citoyens.
La robotisation est un cycle, un point dans la marche de l’humanité. Joseph Schumpeter fait partie des premières personnes à avoir démontré que lorsqu’un cycle comme celui de la robotisation atteint son apogée, un processus de destruction créatrice s’enclenche.
Les anciens emplois ne seront pas « détruits » en tant que tel, ils seront remplacés par des emplois équivalents qui créent encore plus de valeur que les précédents pour la société (et donc permettent de devenir plus productifs).
Regardez attentivement les métiers qui ont émergés dans le Big Data par exemple, et vous vous apercevrez très vite que les problématiques qu’elles essaient de résoudre sont les mêmes, juste sur une nouvelle forme avec des outils et techniques plus perfectionnées.
Concrètement, que faire lorsque l’on prend conscience que son travail va être automatisé ?
On peut noter deux actions séquentielles à suivre :
1- Eviter de se spécialiser technologiquement
La technologie n’est pas la réponse à un problème, c’est le support ou le biais par lequel on résout un problème. L’éminent auteur Nicholas Carr avait déjà souligné ce point aux entreprises en disant que la technologie n’est pas un facteur de différenciation, seuls les processus métiers le sont.
La technologie peut fournir un avantage concurrentiel, mais cela serait à court terme. Ainsi, si vous souhaitez aider les entreprises, au lieu de vous spécialiser dans une technologie, nous vous recommandons de vous spécialiser dans la résolution d’un type de problème.
Par exemple, au lieu de vous spécialiser en Java, nous recommandons de vous spécialiser dans la programmation orientée-objet, car celle-ci répond à un besoin de modularité applicative et Java étant juste le support, le biais par lequel faire cela.
Le même raisonnement s’applique à d’autres domaines où la technologie joue un rôle important dans l’exécution. L’idée est d’éviter de fonder votre compétence sur la spécialisation technologique, car celles-ci évoluent trop vite et ont des cycles de vie de plus en plus courts (aujourd’hui estimé à moins de 6 mois).
Dans l’industrie automobile, si vous étiez un mécanicien expérimenté dans la réparation des carburateurs, vous seriez au chômage lorsque ceux-ci étaient progressivement remplacés par les injecteurs de carburant. Or, les injecteurs de carburant ont permis de réduire la quantité de carburant consommée par les véhicules et donc contribuer à réduire la pollution environnementale.
Aujourd’hui, les technologies évoluent tellement vite que mettre à jour ses compétences par rapport à leur évolution est inutile.
2- Développer des compétences génériques
Encore une fois, les compétences technologiques permettent de maîtriser une technologie pour indirectement résoudre un problème. Malgré les avantages, elles ne sont pas transférables ou portables de secteur en secteur, d’industrie à industrie. Lorsque vous êtes spécialisé sur une technologie, vous êtes limité aux entreprises qui l’utilisent et votre compétence est sensible à l’évolution de cette technologie (trop rapide pour être suivie aujourd’hui). Si vous souhaitez bénéficier des opportunités offertes par la robotisation, nous vous recommandons de développer plutôt des compétences que nous qualifions de « générique » ou compétences de base. Ce sont des compétences qui permettent de développer d’autres compétences spécialisées.
Plus précisément, ce sont des compétences qui sont directement liées à la résolution d’un problème précis.
Par exemple: le traitement de texte est une compétence de base, tandis que Word 2016 est une compétence spécialisée ; le Marketing est une compétence de base, tandis que la marketing digital est une compétence spécialisée. L’administration des bases de données est une compétence de base, tandis que l’administration des bases de données Oracle est une compétence spécialisée. L’avantage des compétences de base est qu’elles sont facilement portables et permettent d’acquérir des compétences technologiques si nécessaire. Grâce à elles, vous êtes prêts pour répondre à tout type de changement.
Y a t-il des compétences à développer urgemment, par exemple ?
Dans le cadre du Big Data, nous recommandons de développer les 4 compétences de base suivantes :
- la programmation
- le SQL
- Hadoop
- la communication
Pourquoi la programmation ? Parce que l’automatisation implique le développement applicatif.
Pourquoi le SQL ? Parce que l’adoption d’une technologie de gestion de données dépend des utilisateurs métiers et non des développeurs.
Hadoop est le socle technologique d’exploitation des données à large échelle aujourd’hui. Il est nécessaire de comprendre les principes sur lesquels fonctionne Hadoop, sans en être expert.
Et enfin pourquoi la communication ? Parce qu’elle est essentielle pour le travail en équipe
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